Je suis un peu géné par cette info, voici pourquoi:
1) Je comprend parfaitement les membres de la communauté musulmane qui réagissent en sentant ce cas pratique comme le véhicule de stéréotypes affligeants. Je suis d'accord avec certains commentaires, prenant comme argument que dans d'autres communautés cultuelles, la réprobation eut été plus forte et tout aussi immédiate, en raison notamment de leur organisation plus structurée. Pour ma part, évidemment, j'aurais pu ressentir la même stigmatisation dans un cas pratique évoquant des actes délictueux mis en relation avec l'agnosticisme du présumé coupable. Tout ce ci renvoie à une réalité que la France, pour de multiples raisons continue à refouler : le communautarisme est bien là, c'est la réalité quotidienne d'une France multiculturelle et, finalement pluraliste. Même si cela choque les consciences, mieux vaut voir la réalité en face et l'assumer!
2) En revanche, dans un cas pratique juridique, par essence, on est forcément en face d'un archétype, un cas d'espèce. Les enseignants ne sont pas si tordus, il s'agit, la plupart du temps, pour eux, de s'inspirer de litiges qui se sont produits dans la réalité et qui ont donné lieu à des jurisprudences remarquables, en tout cas essentielles à connaître pour l'étudiant en Droit. Si l'on doit prendre des précautions dans un cas pratique, je crains qu'on ne rende un très mauvais service à des étudiants, car, pour fréquenter nombre d'amis avocats, quelque soit le domaine, la culture ou la religion, en matière de délit ou de crime, l'humain et le social sont particulièrement inventifs. Le sordide (c'est - à - dire ce qui n'est pas habituel et licite) est monnaie courante dans le quotidien des professions juridiques. C'est même pour ça qu'elles existent!
En conséquence, l'idée qu'un tel cas pratique porte préjudice à une communauté cultuelle me parait douteux, en raison même du fait que, par nature, un litige est une situation anormale par rapport au comportement de la majorité des personnes de ladite communauté qui n'ont pas à connaître de la justice, tout simplement par ce qu'elles se comportent en sujet d'un Etat de Droit.
En droit, ce qui ne pose pas de problème juridique (le comportement normal dans la vie courante, ce qui ne donne pas lieu à litige ou à préjudice, ou ce qui n'est pas illicite) a finalement peu d'intérêt.
C'est un peu comme, pour un journaliste, le train qui arrive à l'heure : ce n'est pas une information! 

Le choix du cas pratique en lui-même n'a effectivement rien de choquant : c'est un cas concret, probablement inspiré d'affaires ayant été réellement plaidées, qui correspond à ce que peut être la réalité des prétoires.
Mais puisque le choix du cas pratique pouvait être ressenti comme "sensible", ne fallait-il pas prendre quelques précautions ? Est-ce que le fait que le monsieur fréquente assidûment la mosquée est une information en lien avec l'affaire ? Si le cas pratique avait concerné un violeur d'enfant, aurait-on pris soin de préciser que le suspect fréquentait assidûment un temple protestant ? ou une loge maçonnique ?

Ce qui me rappelle un titre de la NR qui, pour les mêmes raisons, m'avait choqué : "Pendant le ramadan, les quartiers sensibles sont-ils plus chauds ?". Peut-on, sans preuve statistique et sans élément prouvant que les délinquants sont musulmans, créer un lien entre ramadan et insécurité ? Oserait-on se demander si les voitures incendiées chaque 31 décembre sont le contrecoup de la joie de Noël ?

Puisque la société tend au communautarisme -ce que je déplore- et pour ne pas attiser les ressentiments entre communautés, sans doute convient-il de faire preuve d'une certaine prudence.

Mais, est ce que parce que quelque chose, une réalité, une pratique est sensible, il faut la refouler?
Je me souviens d'une dscussion que j'ai eu il ya quelque temps autour de l'excision. Parmi les protagonistes, il y avait des individus de toutes cultures, de celles qui condamnent l'excision de celles où elle est pratiquée. Je me souviens d'un moment de la discussion où tout est devenu bloqué : "tu ne peux pas juger, ce n'est pas ta culture". Devais je comprendre, toi le berrichon, tu es "naturellement" disqualifié pour tenir un discours sur l'excision?
Deux remarques:
1) La réalité sociale communautare que j'évoquais (et qu'il faut assumer) ne signifie pas l'absence d'état de Droit laïc qui garantisse un traitement identique à tout citoyen quelque soit sa culture, donc les mêmes droits et les mêmes obligations. Je ne vois rien de contradictoire là dedans: l'unité n'est pas forcément antinomique de la diversité. Et pour m'enfoncer je rappellerai une belle devise, "Unitas multiplex", qui eut pu être la nôtre si la réaction affective ne l'avait pas emporté sur l'analyse rationelle (je parle du référendum pour la ratification du TCE pour être clair).
La justification du droit, c'est précisément de pouvoir assurer la cohérence entre l'unité et la diversité.
2) Et puis, je me permet un coup de gueule (pas contre mon ami le tôlier de ces lieux!): tout se passe comme si, en ce moment, on devait obligatoirement pratiquer un coming out perpétuel, avant de dire quelque chose, ou d'exprimer une opinion. Tout se passe comme si les confessionnaux s'étant vidés, la prise de parole en public, devait commencer, par une déclaration d'Etat, ramenant ainsi l'opinion émise au rang de témoignage et non de raisonnement. "D'où parles tu camarade"? Et du coup, la structure même des prises de paroles publiques est, elle même, un puissant générateur de constitution de communautés réelles, artificielles ou même imaginées. La Loubyanka serait - elle toujours en activité, et Pol Pot en vie?
En fait, c'est pire, puiqu'il s'agit de ce que Bourdieu nomme la violence symbolique, qui est tellement puissante qu'elle n'est même pas ressentie comme une douleur mais comme un exercice de libération!
Dans un état véritablement démocratique, c'est - à - dire une "cité éducative", pour parler comme Rousseau, tout citoyen doit pouvoir à raison de sa simple qualité de citoyen, émettre une opinion. Le jugement des autres se fera normalement à travers le crible de leur raison. Ajoutons que la tonalité joue un rôle important, puisque, selon le sens commun, "tout ce qui est excessif est insignifiant".
Toute cette digression me semble contribuer à définir les contours des droits et obligations d'un citoyen (croyant ou incroyant) dans un état de droit laïc! Apprendre le droit, c'est veiller au grain pour conserver cela. Cet apprentissage ne souffre pas de mesures antalgiques ou de refoulement psychosociologique! Il ne souffre pas non plus de généralisations abusives. Comme le dit très bien Popper à propos de la science: elle avance par à - coups, par une suite d'essais et d'erreurs. Il en va ainsi de la science juridique qui a besoin des cas d'espèces pour dégager patiemment des cohérences générales.
Assimiler un cas d'espèce à une volonté de généralisation est tout simplement une absurdité du raisonnement, un a priori, et un procès d'intention. Refuser le recours aux cas d'espèces et à la construction prétorienne du Droit, c'est adhérer à une conception théologique et transcendante du droit qui ne me semble pas satisfaisante, et pour tout dire erronée et détestable!

Oui c'est la phrase que j'entends en lisant ce sujet.
D'accord Jean-Philippe étant un cas pratique cela dénote d'une situation anormale mais justement est-ce que cela, inconsciemment ou pas de la part du rédacteur, participe à l'islamophobie puante cachée sous des principes laïcards qui règne actuellement en France en disant que les problèmes de mariage forcé et de violence dans les familles n'arrivent que dans les familles musulmanes, car se sont-elles qui sont anormales et cet exemple n'est en qu'un parmi d'autres? Ces familles à la culture étrangère si peu adaptée à la "nôtre"? De laquelle déjà parle-t-on?
Parce que pour traiter d'un problème de famille forcément on ne peut prendre comme exemple qu'une famille musulmane, c'est certain!
Je pense que le rédacteur de l'examen n'aurait pas du s'aventurer sur ce chemin vues les discriminations dont souffrent toujours plus les musulmans et autres personnes d'origine étrangère. Le récent arrêt du CE le confirme encore (même si je ne suis pas un fervent défenseur du salafisme et des niquabs!).

Amicalement,
Nathan Boumendil

http://alternathou.blogspot.com/

Cher Nathan, et cher(e)s tou(te)s,
Tout  d'abord, ok pour dénoncer toute xénophobie, je fais chorus avec vous là dessus et plutôt trois fois qu'une.
Mais, concernant "l'affaire" qui nous interesse, il faut distinguer deux niveaux:
1) La France sort du mythe de l'unité - uniformité qui l'a amené à toutes sorte de lubies, y compris faire réciter "nos ancêtres les gaulois" au fin fond du Sénégal du temps de la colonisation. Aujourd'hui la France est plurielle, ce qui veut dire très clairement qu'elle est composée de communautés, religieuses, culturelles, sexuelles, etc...
2) Il n'est donc pas anormal que l'acculturation à la sociabilité française se fasse parfois ponctuellement de manière plus difficile dans les communautés à l'histoire parfois éloignée (quoique!) de celle de la France. Cela ne veut pas dire qu'il y a racisme, mais que l'acceptation d'une communauté dans l'ensemble français passe par une adaptation (qui n'est d'ailleurs pas forcément une assimilation ou une acculturation). Par exemple, quelque soit la culture dans laquelle on se reconnait, accepter le principe de l'égalité Homme - Femme, y compris au sein d'un couple est une valeur non négociable.
Le choc d'une communauté cultuelle avec les valeurs laïques et républicaines est quelque chose de normal, veiller, dans le respect de la culture communautaire, au respect des règles de la République est aussi essentiel. A mes yeux ce n'est pas un rejet, et même, en prenant du recul, c'est le signe que quelque chose se passe au plan sociologique.
A cet effet, rappelons qu'il y a une centaine d'années, les "filles de bonne famille" française ne faisaient que peu d'études et se consacrait souvent à la perspective d'un mariage, bien souvent arrangé.
En bref, dans tout ça, je ne vois qu'un progrès, et cher Nathan, il n'y aura qu'un point de désaccord entre nous, celui sur la laïcité. C'est, à mes yeux, la perle qui nous permet de vivre ensemble!
Bien à vous.