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Antonio n’aime pas beaucoup Zool. Que cherche-t-il, par ici, du bout des doigts ? Zool le fureteur, grillon du foyer et folle du logis. Antonio lit tout ce que l’on écrit sur eux : l’un qui s’entoure de musiciens aussi reluisants que lui (c’est tout dire) pour mieux creuser la solitude de ses harmonies intimes, et l’autre qui se place seul face au piano pour mieux peupler le silence de figurines, de compagnons de débauche ; l’un qui, latin, distille les chaleurs, tandis que l’autre, saxon, propose ses carnavals glacés. Des foutaises ! un foutoir de notes ! remballe !   Zool aime bien Antonio. Peut-être serait-il plus juste de dire qu’il aime bien quand il croise le regard agacé d’Antonio. « Tiens, il a l’air énervé » semble-t-il dire, d’un regard innocent et plein d’incompréhension naïve. Zool est un musicien de verdure, et Antonio hume, à pleins poumons, l’air de la nuit profonde.   Je prête l’oreille à Zool ; la toile blanche qu’il tend aux trous du vent, pectinée à peine de douces mouchetures, je l’entends claquer, flotter, blanchir les ombres. Il va sinuant si près du sol que sa musique envoûterait les cimes.   Tandis que je pianote, je prends garde de ne pas éveiller de vieux démons, de ne pas cogner trop vivement, je veux que les touches se suivent de façon harmonieuse, comme si je jouais la partition prodigieusement délicate de Zool. Comme si je jouais, dans mon coin, avec Ira et Jeff, je veux que les armes reposent en paix, sans colère, je galère laborieusement pour mentir en mots, tandis que je pianote.   Je prête l’oreille à Antonio, farouche, bondissant, coloriste et sang de feu. Vous, Zool et Antonio, l’alpha et l’oméga, les deux frères que je n’eus pas, je tends les bras vers vous, dompte le lion mélancolique, tire gentiment l’oiseau de sa noirceur pantomime, et je les présente l’un à l’autre.   Qu’ils s’aiment vraiment, profondément, effrontément… qu’ils s’aiment ou non, ce sont mes seuls pharaons.

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